La politique

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Marseille élit un nouveau maire

2038. Ça lui fait tout bizarre à , de retourner dans son école primaire pour la première fois. Les chaises et les tables ne lui paraissaient pas si petites il y a dix ans… Aujourd’hui, à 22 ans, c’est sa première élection municipale. Une fébrilité l’envahit à l’idée de participer à un choix aussi capital pour l’avenir de sa ville.

Il lui a fallu du temps pour comprendre comment fonctionnent les municipales. Car à Marseille, comme à Lyon et Paris, le vote est indirect : on élit des conseillers municipaux et conseillers d’arrondissements, qui eux-mêmes élisent le maire. « Avec ce mode de scrutin, un maire peut être élu sans être majoritaire. C’était le cas de Gaston Defferre en 1982 », rappelle Joël Gombin, politiste et chercheur associé au CHERPA de Sciences Po Aix. « Cela permet aussi au maire de négliger une partie de la ville : les quartiers sud étant globalement à droite et ceux du nord à gauche, l’élection se joue seulement sur quelques secteurs “intermédiaires”. »

Ces gens arrivent au pouvoir parce qu'ils sont des chefs de bande.

Michel Peraldi Sociologue


Mais, en 2038, le ou la maire de Marseille doit aussi voir au-delà des frontières de sa commune : la métropole Aix-Marseille-Provence, créée en 2016, joue désormais un rôle central dans la vie politique et économique locale. « L’équipe municipale pourrait avoir des moyens plus importants qu’actuellement, parce que la métropole permet de drainer les ressources du territoire au profit de Marseille, craint Joël Gombin. La logique de constitution de fiefs via la distribution de postes du secteur public, de marchés ou de subventions pourrait donc se renforcer. » Le système clientéliste marseillais, qui a fait couler tant d’encre, qui a même inspiré des séries télévisées, pourrait donc trouver un moyen de se « recycler ».



Mais il n’y a pas de fatalité. En 2016, l’emploi public avait un poids considérable, donc si la ville trouve de nouveaux axes de développement économiques solides, les Marseillais seront moins dépendants des politiques. « Depuis l’effondrement des activités liées au port et à l’agroalimentaire, il n’y a pas eu de reconversion sur un axe clair », explique André Cartapanis, professeur d’économie à Sciences Po Aix. « On a aujourd’hui une économie en archipel, avec plusieurs pôles qui se développent comme le tourisme, les nouvelles technologies, l’audiovisuel ou la santé. »

Pour alimenter ces « pôles », de nouveaux habitants pourraient aussi venir s’installer à Marseille. Parmi eux, ceux qu’on appelle les « classes créatives », qui pointent déjà le bout de leur nez à Marseille depuis les années 2000. « Il y a une incompatibilité culturelle entre ces catégories et la classe politique marseillaise actuelle », affirmait en 2016 le sociologue Michel Peraldi. , qui navigue dans ces milieux-là, veut croire que cette dynamique économique et culturelle va faire émerger une nouvelle classe politique. Pour enfin débarrasser sa ville de ses vieux démons, clientélisme et affairisme, comme d’un plus récent : le recours à l’extrême-droite.


Frise chronologique
des “affaires” marseillaises

Plus d’une fois, Marseille a fait parler d’elle pour ses affaires politiques et judiciaires. Retour sur ces événements qui ont marqué l’histoire de la ville, et l’esprit de ses habitants.

Années 1930-1980

Vie et mort de la French Connection

La French Connection ou Corsican Connection désigne le trafic d’héroïne tenu par plusieurs familles du Milieu corse installées à Marseille, et qui alimentait en drogue les Etats-unis. Jusque dans les années 1970, les autorités locales restèrent assez passives face à ce trafic par manque de moyens. Après la mort d’une jeune fille par overdose à Bandol, la lutte contre l’héroïnomanie devint une priorité nationale. On considère que cette organisation a été démantelée par le juge Pierre Michel, aidé par la coopération avec les forces de police américaines. Cependant cette implication fut fatale à l’homme de loi (voir ci-dessous).

Le mot de la fin
Si cette filière corse a été évincée, le trafic de drogues est encore considérable à Marseille et reste la cause de nombreux règlements de comptes chaque année.

21 octobre 1981

“On a tué un juge”

Pierre Michel, juge d’instruction chargé des affaires de fausse monnaie, de trafics de drogue et d’attentats était réputé pour s’être attaqué à la French Connection. Il a mis derrière les barreaux plus de 70 trafiquants et démantelé six laboratoires de fabrication d’héroïne. Il a été tué à 38 ans de trois balles dans le torse et dans la tête alors qu’il rentrait chez lui en moto.

Le mot de la fin
Sans que le commanditaire ait jamais été officiellement identifié, plusieurs membres de la mafia marseillaise ont été inculpés pour ce meurtre.

Juillet 2010

La députée Sylvie Andrieux mise en examen pour détournements de fonds publics

Cette députée PS des quartiers Nord est accusée d’avoir autorisé le versement de plus de 700.000 € de subventions à des associations fictives, entre 2005 et 2008. Ce système de détournement permettait de payer des intermédiaires chargés de lui attirer des votes. En septembre 2014, l’élue est condamnée par la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence à 4 ans de prison dont un ferme, à une amende de 100.000 € ainsi qu’à une peine d’inéligibilité de 5 ans. Elle s’est pourvue en cassation.

Le mot de la fin
Sylvie Andrieux est toujours députée et siège à l’Assemblée nationale, malgré sa radiation du PS. Son pourvoi est étudié par la Cour de cassation.

Septembre 2011

Les Guérini, une affaire de famille

En mars 2011, Jean-Noël Guérini, alors président du Conseil général des Bouches-du-Rhône, est accusé par Arnaud Montebourg d’entretenir “un système de pression féodal reposant sur l’intimidation et la peur”. Guérini s’insurge. Six mois plus tard, la justice le rattrape. L’élu est soupçonné d’avoir favorisé son frère Alexandre, acteur important du secteur de la gestion de déchets et proche du Milieu, lors de l’attribution de plusieurs marchés publics.

L’affaire prenant de l’ampleur, le chef des socialistes dans le département fut mis en examen six mois plus tard pour prise illégale d’intérêts, trafic d’influence et association de malfaiteurs. La même année, il fut déféré devant un juge dans le cadre d’une autre affaire. De même en 2013.

Le mot de la fin
Après avoir été relaxé pour une histoire de licenciement présumé frauduleux, Jean-Noël Guérini, aujourd’hui sénateur des Bouches-du-Rhône continue à exercer ses fonctions dans l’attente du jugement des deux autres affaires dans lesquelles il a été mis en examen.

Octobre 2012

Des ripoux à la BAC Nord de Marseille

Début octobre 2012, douze membres de la Brigade anticriminelle des quartiers Nord de la ville sont mis en examen pour vols et extorsion en bande organisée. Ils sont soupçonnés d’avoir racketté à plusieurs reprises des dealers du quartier. Finalement, seuls six d’entre eux ont été inquiétés par la justice, mais ils sont des dizaines à avoir été suspendus pour avoir couvert ce trafic.

Le mot de la fin
La BAC des quartiers Nord a été démantelée pour être refondue dans une équipe à l’échelle de la ville.

Décembre 2014

Le député Henri Jibrayel mis en examen

Ce député PS des quartiers Nord de Marseille est mis en examen pour abus de confiance et prise illégale d’intérêts. Il aurait financé en mai 2011 et juin 2012 quatre mini-croisières d’une journée à 2 400 personnes âgées de sa circonscription, cela à des fins électoralistes.

Le mot de la fin
Il est toujours député dans l’attente du procès.

Octobre 2015

Des soupçons d’emploi fictif à la Mairie de Marseille

Le 20 octobre 2015, le bureau de Daniel Sperling, adjoint à l’Etat civil de Marseille et proche du maire LR Jean-Claude Gaudin, est perquisitionné. L’emploi qu’il occupe à la direction générale des Hôpitaux de la ville, où il a été détaché en 2007, pourrait être fictif. Plusieurs témoignages d’employés de l’hôpital vont dans ce sens.

Le mot de la fin
L’enquête est toujours en cours. Daniel Sperling dément ces accusations.

 

Avis de jeunes pousses sur Marseille

Ces jeunes Marseillais – de naissance ou d’adoption – s’engagent en politique, dans l’associatif ou dans l’entrepreneuriat, et veulent faire avancer la ville dans la bonne direction. Les éclaireurs d’une nouvelle génération ?