Le cinéma

© Ville de Marseille

Marseille en mode Hollywood provençal

Octobre 2031. « Tu me fends le coeur, TU ME FENDS LE COEUR ! » A cette réplique culte de la partie de cartes, sourit, ses parents à côté aussi, de même que la foule réunie sur le Vieux-Port pour fêter les 100 ans de Marius, le premier film de la fameuse trilogie marseillaise. C'est étonnant de voir à quel point les dialogues cartonnent encore. Une vague de nostalgie traverse le public venu nombreux rendre hommage à l’enfant du pays.

Flashback. En 2015, une projection en plein air, du même film, avait été organisée cette fois pour les 120 ans de la naissance de Marcel Pagnol. Marseille, alors, déroulait le tapis rouge aux tournages. Les rumeurs de la ville bruissaient des stars de passage : Depardieu, Dujardin, Canet, Debbouze, et cette année-là, Scott Eastwood, que l'on présentait encore comme le fils de Clint.


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Marseille aura bientôt sa « Wisteria Lane »

Des vue iconiques, des calanques, un port, des grues, des coins paumés, des vieux rades : demandez, Marseille a tout cela en poche. Mais le paysage n'est pas tout, il existe un écosystème autour. « On peut fabriquer à Marseille un film de A à Z », rappelle Séréna Zouaghi, adjointe au maire en charge du cinéma. Outre les six studios du pôle Média de la Belle de Mai, dont un nouveau dédié aux effets spéciaux, la mairie étudie la possibilité de créer deux studios à la caserne du Muy. A courte échéance, un « backlot » doit aussi rejoindre l'escouade. Cette rue fictive à ciel ouvert permettra de tourner des scènes extérieures, comme dans Desperate Housewives.


Marseille était à un tournant de son rêve hollywoodien. « En dix ans, nous avons triplé le nombre de tournages, passé de 105 à 478 », souriait Séréna Zouaghi, élue en charge de la Mission cinéma de la ville. Ce guichet unique, tête chercheuse entièrement dévolue au service des productions, avait été créé en 2009 pour soutenir une filière porteuse.

Toujours en 2015, les 1.663 jours de tournage en extérieur avaient engendré 30 millions d'euros de retombées économiques directes. Sans compter les répercussions positives sur le tourisme et l'image de la ville. « C'est une stratégie gagnante pour Marseille », affirmait Didier Parakian, adjoint au maire délégué à l'économie, qui voulait « aller plus loin encore ». « Nous avons les conditions idéales pour devenir un Hollywood made in Marseille et provençal », assurait-t-il.

Le cinéma
et Marseille

Alain Delon et Jean-Paul Belmondo

S’allier pour mieux régner. C’est l’idée qu’ont les deux truands marseillais incarnés par Alain Delon et Jean-Paul Belmondo dans Borsalino (1970). Inspiré de l’histoire vraie des gangsters Carbone et Spirito dans les années 1930, le film de Jacques Deray met en scène l’ascension des deux associés au sein de la pègre. Il attirera plus de 4 millions de spectateurs dans les salles obscures et sera nominé aux Golden globes, en 1971, dans la catégorie “meilleur film en langue étrangère”.

Yves Montand, acteur, chanteur et producteur

Ivo Livi, plus connu sous le pseudonyme d’Yves Montand (1921-1991), est italien de naissance. Il arrive à Marseille à l’âge de 3 ans et y vit ses vingt-trois premières années. C’est lors d’un concert à l’Alcazar, salle marseillaise, qu’il rencontre son premier triomphe en tant que chanteur et commence son ascension vers la célébrité, bientôt arrêtée par la Seconde guerre mondiale qui le fera fuir, en 1944, à Paris, pour échapper au Service du travail obligatoire (STO). C’est là qu’il deviendra la star internationale que l’on connaît aujourd’hui.

Plus belle la vie

Tournée à Marseille, c’est la série française qui compte le plus d’épisodes diffusés sur petit écran. Entre le 30 août 2004, soit la première diffusion, et avril 2016, plus de 2.900 d’entre eux ont été suivis par les téléspectateurs de France 3. L’intrigue se déroule dans un quartier imaginaire appelé Le Mistral, mais présentant beaucoup de similarités avec le Panier, vieux quartier marseillais. Les touristes sont d’ailleurs nombreux à chercher le café de Roland lors de leur visite de la ville.

Eric Cantona, acteur, producteur et joueur de football

Figure turbulente du football français, Eric Cantona est un enfant du quartier des Caillols, à Marseille, dans le 12ème arrondissement. Après avoir été sanctionné à plusieurs reprises pour son caractère tempétueux sur le terrain, il endosse le costume d’acteur en 1995, et interprète un des rôles principaux du Bonheur est dans le pré d’Etienne Chatiliez. Deux ans plus tard, il range définitivement maillot et crampons pour s’adonner à sa carrière cinématographique.

Ariane Ascaride, actrice, réalisatrice et scénariste, et Robert Guédiguian, producteur, réalisateur et scénariste

Ces deux Marseillais de naissance sont aussi des figures emblématiques du cinéma indépendant français. Ariane Ascaride s’est formée au Conservatoire de Marseille avant de monter à la capitale. Sa performance dans le film Marius et Jeannette lui vaudra de remporter le César de la meilleure actrice en 1998. Son compagnon Robert Guédiguian, fils de docker, a grandi dans le quartier de l’Estaque. Il a souvent mis devant la caméra sa ville de naissance, pour en dénoncer la misère ou en faire le cadre de ses fictions.

Cinématographe des frères Lumière

Marseille est une ville de cinéma, et cela depuis longtemps. Les frères Lumière, ayant passé beaucoup de leurs vacances dans le domaine de leur père à La Ciotat, tournèrent leurs premières images à Marseille en 1885, sur la Canebière près du Vieux-Port, aux Docks de la Joliette et sur le Cours Belsunce. En février 1886, ils installent un des premiers cinématographes de France dans la cité phocéenne, seulement deux mois après Paris.

Fernandel, acteur, producteur et réalisateur

Fernandel, ou de son vrai nom Fernand Joseph Désiré (1903-1971), est né boulevard Chave à Marseille. Ses deux parents étaient comédiens amateurs. L’acteur comique a donc grandi entouré d’artistes. Il fait ses premiers pas sur scène dans la cité phocéenne au théâtre du Châtelet. Il n’abandonna jamais son attachement pour la ville qui l’a vu naître, même quand il devint un des acteurs comiques les plus célèbres du cinéma français.

Love Actually

Dans Love Actually (2003), monument britannique de la comédie chorale, Richard Curtis a choisi Marseille et sa région pour filmer l’histoire d’amour naissante entre le personnage incarné par Colin Firth et une jeune Portugaise (Lucia Moniz). Difficile d’oublier cette scène mythique où l’acteur britannique se jette littéralement à l’eau pour suivre la jeune femme et récupérer son roman envolé.

Marcel Pagnol

La trilogie de pièces de théâtre Marius, Fanny et César a fait la célébrité de Marcel Pagnol (1895-1974). Il y met en scène les tribulations d’une famille marseillaise sur fond de Canebière. L’auteur et réalisateur provençal a ensuite adapté ses pièces au cinéma dans trois films sortis en 1931, 1932 et 1936. Quatre-vingts ans plus tard, en décembre 2012, Daniel Auteuil revisite et modernise ces chefs d’œuvres dans deux films avec les acteurs Raphaël Personnaz et Victoire Belezy dans les rôles de Marius et Fanny.

La French

Le mythe marseillais de la French Connection a longtemps inspiré les cinéastes. Après les réalisateurs William Friedkin (French Connection, 1972) et John Frankenheimer (French Connection 2, 1975), le Français Cédric Jimenez a mis en scène l’affrontement du juge Michel et du gangster Gaëtan Zampa. Sortie en 2014, La French met en scène Jean Dujardin et Gilles Lellouche dans cette affaire judiciaire restée dans les annales.

Taxi, les films

Pour la réalisation des films Taxi, Luc Besson a signé un partenariat avec le constructeur automobile Peugeot. Chaque épisode était payé entre 100.000 et 300.000 € pour mettre à l’écran les voitures conduites par Samy Naceri. Une quinzaine de voitures “mulets”, c’est-à-dire sorties d’usine avec des défauts de fabrication, étaient fournies pour les cascades. Une réussite pour le constructeur puisque qu’après la sortie de Taxi 1, les ventes de Peugeot 406 ont bondi de près de 25%.

Le cinéma et Marseille

Aujourd’hui, la ville ne manque pas d’atouts pour attirer les cinéastes. Aux 2.800 heures d'ensoleillement par an, s'ajoutent la lumière du Sud, la variété des décors naturels, les studios et, à l'échelle de la métropole, une offre avec les vastes Provence Studios à Martigues pour aller chasser les super-productions américaines. A présent, a envie de filmer le visage de son Marseille, sort sa caméra, se détache de la foule et tourne quelques plans. Après le Bac, pourquoi pas intégrer l'école des Ateliers de l'image et du son, la meilleure ici ? C'est son rêve.


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Salles de cinéma : le grand gap

Mais ils sont où, mais ils sont où les sièges de cinéma ? Pour le moment, pas à Marseille, ou très peu. La ville ne compte que 9,6 fauteuils pour 1.000 habitants, loin derrière Lille (49,5), Lyon (36,7) ou encore Bordeaux (33,3), et même pas au niveau de Toulouse (13,6) et Nantes (12,9).

Au pays du tournage, le rattrapage est nécessaire. Plusieurs projets devraient, dans les années à venir, permettre de doubler l'offre. A commencer par le complexe EuropaCorp de Luc Besson, dont les travaux vont enfin pouvoir être lancés face au Silo, après sept années de recours en série.


Sur l'écran vert de nos nuits blanches

« Cascade les amis ! » Pas de Rémy Julienne en vue, la DS miniature s'élance dans une course poursuite avec d'autres voiturettes tirées par… des fils de pêche. Puis s'engouffre dans un tunnel, en vrai une rutilante boîte de conserve. Dans le studio « Motion capture et effets spéciaux » du pôle Média de la Belle de Mai, le grand cyclorama vert flambant neuf est ce jour-là au repos.

Pour la jungle recréée façon Mowgli ou une rue de New-York en profondeur, le plateau devra encore attendre un peu. Affairée autour d'une large table, une jeune société de production marseillaise y tourne un « Fast and Furious » version court-métrage et Majorette. « J'aime l'idée que des petites productions puissent disposer d'outils professionnels pour essayer des choses qui seraient faites dans un garage », sourit Marianne Carpentier, en charge, pour Post&Prod, du développement de ce studio inauguré fin 2015.

reportage Motion capture
reportage Motion capture
J'aime l'idée que des petites productions puissent disposer d'outils professionnels pour essayer des choses qui seraient faites dans un garage

Marianne Carpentier En charge chez Post&Prod


La groupe Newen, qui produit Plus Belle la Vie via sa filiale Telfrance, a remporté l'appel d'offres de la mairie, propriétaire des lieux, pour investir et aménager les 700 m² de studio. A côté, il a déjà en charge les cinq plateaux du pôle Média, réputés pour accueillir le feuilleton à succès. « Nous avons ouvert ce guichet d'effets spéciaux pour nos propres besoins de producteurs mais aussi pour le marché local, et notre ambition est clairement de viser l'international », assure Olivier Béchat, directeur général des studios. Il a déjà en vue des projets de fiction télévisée, des émissions et des jeux. Dans les vastes bureaux, les capteurs de mouvement sont prêts à la démonstration pour illustrer la motion capture. Mais le « tracking » lui volerait presque la vedette.

« On va pouvoir mesurer les déplacements de caméra et avoir un retour en temps réel de ce que cela rend dans l'environnement virtuel », explique Marianne Carpentier. En somme, sur leur écran de contrôle, le réalisateur et le chef op percevront tout de suite si la scène fonctionne ou pas, sans plus attendre l'étape post-production.

Dans un budget, cela change tout. Plus encore, « cela ouvre tout un champ des possibles au niveau de l'écriture », dit Olivier Béchat, en concédant un « besoin de pédagogie » auprès des auteurs et des producteurs. Les premiers pour ne pas s’autocensurer, les seconds pour ne plus hurler face à un projet de série avec un vaisseau spatial ou un chien qui parle.

Pascal Breton Pascal Breton
Producteur du bureau des légendes
et de la série Marseille
© Photo CAUVIN JULIEN/TF1/SIPA

Pourquoi avoir voulu produire une série sur la ville de Marseille ?

J’ai proposé le sujet de la série à Netflix car je connais très bien Marseille. C’est une ville qui pèse dans la mythologie politique française. Et esthétiquement, c’est incroyable d’avoir une telle ville perchée sur un rocher, dans un arc de cercle face à la mer. C’est très beau à filmer.